Gloxinias

Ma tante avait mis dans un vase, des fougères nephrolepis, des lilas mauves, des gloxinias et des roses. Elle me rappelait, non sans amertume, à l’ordre moral, en raison des moeurs dépravées de mon zouave. Je lui répondis que j’aspirais au plus terne des succès, et à rien d’autre.

Elle me dit qu’elle aurait préféré une histoire romantique avec deux personnes qui exprimeraient leur mélancolie au clair de lune, avant d’être attaquées par un fantôme décapité.

Elle s’intéressait maintenant aux, « Hymnes anciens et modernes » de l’Eglise d’Angleterre, remis au goût du jour par le Mouvement d’Oxford en 1840. « Y a-t-il une frontière, entre une explication objective et logique de ces hymnes, et une compréhension subjective, dans lesquels tant de croyants ont investi en spéculations herméneutiques ? »

J’ai été pris de court, mais content que les fureurs de ma tante se tournent vers un autre objet, que les billets sur mon zouave.

Je lui confiais vouloir parvenir un jour à rejoindre mes héros au sein de mes billets. Le zouave et les elfes m’accueilleraient parmi eux avec bienveillance, comme dans « La Rose Pourpre du Caire.« 

Elle me regarda accablée : « Tu ressembles à une fantaisie, qui se marmorise en cours de route, proche d’une vieille chaise qui s’effiloche.« 

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« ..une histoire romantique avec deux personnes qui exprimeraient leur mélancolie au clair de lune. »

Effort intellectuel

Plic, plic, plic, des gouttes de sueur tombait sur le papier, pendant que je lisais les exercices intellectuels de la kiné.

Avant commencer l’exercice, La kiné essayait de nous persuader qu’elle avait pris un kg à Noël, ce qui fit beaucoup rire les dames d’un certain âge.

Il fallait trouver un pays correspondant à chaque mot suivant : RELAIS, SALUTAIRE, GALERIE, LIBRES, MANIERE, CAIROTE, CHIEN, AUMONIER, PROUE. par exemple dans PROUE, il y a PEROU.

Dans un deuxième exercice, il fallait répondre par VRAI ou FAUX :

La chauve-souris est un mammifère (solution : VRAI) / Le H est la huitième lettre ee l’alphabet / Le Pays de Galles est une île / L’équinoxe de printemps est le 21 juin / Vincent Van Gogh s’est coupé une oreille / Un match de rugby dure 90 minutes.

Dans un troisième exercice, il fallait trouver les mots commençant par un A, et correspondant aux définitions :

Elle a huit pattes et un fil (solution : Araignée )/ Pour enlever la poussière / Quand le soleil rencontre la pluie / Cet oiseau ne vole pas / Elle dévale les montagnes / Souvent la carte la plus forte.

J’étais sans réaction et voulais atteindre l’ataraxie, pour avoir un détachement parfait à l’égard des exercices.  Ma voisine m’aurait dit : « Utilisez un ruban adhésif pour vous accrocher. »

Monsieur moochagoo, à qui je racontais mes efforts intellectuels, me répondit : « Vous voyez bien que l’effort intellectuel ne vous convient pas le moins du monde, pourquoi vous entêtez-vous? »

Effort intellectuel (vain), en tentant de ne pas regarder la kine.

Le Zouave du Vatican – 39

L’Elfe copie regrettait à titre personnel que l’usage des crinolines se fut perdu, ainsi que les mousselines au poignet, et le port du canotier pour les dames, si élégant sur la plage de Biarritz.

Nous participions à une réunion pour signer une armistice avec L’Alliance pour la Vraie Foi Créationniste. Ils avaient pris conscience qu’ils avaient perdu la guerre. Les pouvoirs destructeurs de l’Elfe copie dépassaient très largement leurs capacités technologiques.

Nous étions en bout d’une très grande table, où se faisaient face, nous, les Alliés, et l’Alliance, avec une quantité de robots juristes et les plus hauts responsables de chaque camp.

L’Elfe avait murmuré son commentaire sur les vêtements féminin de la fin du XIXème. Je murmurais à mon tour : « Comment peux-tu regretter ce genre de vêtements ? Tu as lu des livres d’histoire ? »

Elle me regarda avec un petit sourire ironique : « J’étais à Biarritz sous Napoléon III, lors de ma dernière mission. » Là, elle m’a encore étonné. Je fus obligé de reconsidérer à la lumière de ses paroles, tout ce que je savais.

Au bout d’une semaine, un accord fut trouvé. L’Alliance s’est repliée sur (en gros), l’ancien territoire de la Russie, avec de redoutables closes en cas de reprise des combats.

Les deux Elfes m’encadrèrent comme un vulgaire malfaiteur, pour me ramener au Vatican. Sans rien ressentir, nous nous y sommes retrouvés. Il était inutile de poser des questions sur ce transfert, je n’aurais eu droit à aucune réponse.

Le Pape me convoqua dans la journée, (encore une fois, au grand dépit de mon supérieur, rarement convoqué), et me dit à nouveau des paroles sibyllines : « Alors, et ce petit séjour à Paris et au Louvre, c’était bien ? »

Crinolines et falbalas

Adieu le crinolines !

Gommé !

Ce matin, ma voisine m’avait dit que la vie était un crayon qui avait une gomme à son bout. Comme ma vie avait failli être gommée après une chute, je n’étais pas rassuré avec les crayons.

Et ma tante m’avait traité de pompe de suralimentation à dispositif d’injection, car je restais dans les sentiers battus avec le Zouave du Vatican. Elle avait évité, « Grosses bouse d’éléphant ». Cela m’aurait peiné, car je tricote en ce moment un éléphant.

Je recommande ma tante – qui est bien agréable à vivre – mais pour une semaine mais pas plus, et encore, il faut mieux commencer au milieu de la semaine.

Elle avait passé sa matinée dans un magasin et essayé une bonne trentaine de paires de chaussures, sans rien acheter.

Après l’avoir vue, j’avais des gribouillis bizarres dans le cerveau, qui certainement reflétaient mes cas de conscience (au cas où j’aurais une conscience.)

Monsieur Moochagoo me conseilla des séances de thérapie de groupe, et m’offrit un livre : « Comment éviter de parler. » Je trouvais que c’était un paradoxe de lire un tel livre avant de faire une thérapie. Il me confia aussi qu’il avait appris à lire la poésie en fermant les yeux, afin mieux pénétrer le sens d’un poème. 

Le Zouave du Vatican – 38

J’étais épuisé ! A chaque fois que l’Elfe originale allait à des réunions stratégiques (dans le 8ème sous-sol du complexe « Coeur Défense »), l’Elfe copie m’entrainait, « dans un petit coin tranquille, tu verras ! », pour s’adonner à des choses que la morale m’empêche de rapporter ici.

Elle m’avait, la première fois, fait admirer le tatouage d’un dauphin sur sa fesse. Bien qu’opposé aux tatouages, j’avais été subjugué assez rapidement – pas par le dauphin, et avais cédé à ses caprices. (L’esprit est fort mais la chair est faible, Matthieu 26).

Cependant l’Alliance pour la Vraie Foi restait insensible à l’amour fou entre deux êtres. J’étais pourtant incapable de dire si l’Elfe copie avait les mêmes sentiments que moi – je restais réaliste.

L’Alliance s’était lancée dans une vaste contre-offensive sur le terrain. Tout ce qui était avions, drones, ou autres objets volant, avait été neutralisé depuis longtemps par des bombes à  impulsion électromagnétique (IEM).

Les armes terrestres restaient protégées contre les IEM, notamment les fusils quantiques.

Nous avions face à nous, dans le secteur de La Défense, plusieurs centaines de chars AVARK90. Volontaire désigné d’office pour accompagner l’Elfe copie, j’étais mort de trouille. Certains de mes camarades avaient lancé : « N’oublie pas tes couches !!! »

Nous étions au niveau du Pont de Neuilly (complètement détruit), côté Défense. De l’autre côté de la Seine à sec, plusieurs centaines de chars s’apprêtaient à traverser.

Là, j’ai eu la plus forte émotion de ma vie. L’Elfe copie s’est mise à découvert, et les chars ont commencé automatiquement à tirer sur elle. Et…toutes les munitions sont revenues sur les chars, qui se sont mis à exploser les uns après les autres.

Le temps que les militaires qui les guidaient par caméra depuis leurs bunkers, désactivent les commandes automatiques, plus d’une centaine de chars avaient été détruits.

Je commençais à comprendre l’importance stratégique de notre « échange » du Louvre. Mais qu’y avait-il dans la petite boîte blindée et scellée, échangée contre notre elfe copie ? Une arme secrète ?

par Peter Jacubinas

Pitoyable blaireau !

J’envisageais de me reconvertir dans les animaux en tricot, et de commencer par un éléphant. Il y avait de quoi s’occuper pendant un an.

J’étais chez ma tante et buvait une bière anglaise, au goût de thé et de gorgonzola. Depuis le Brexit, les anglais perdent leurs traditions.

Personnellement j’aurais préféré un cocktail Frisson Tahitien avec une once de Typhon de Barmouth, et avec des oignons et du citron.

Mais ma tante me battait froid depuis que je narrais les aventures de mon Zouave. Elle trouvait que mes procédés narratifs étaient lyophilisés.

Elle ne m’avait traité que d’espèce d’unidimensionnel et de pitoyable blaireau, ce qui était bon signe pour la suite des évènements.

Ma tante, lors de ses réunions des « Tantes Anonymes« , avait conçu le projet d’un Comité pour la Protection des Tartines Grillées. Les participants avaient dit qu’ils étudieraient son projet avec l’attention qu’il méritait, mais qu’il n’était pas agréé par le Radar du Bon Goût.

Je lui conseillais de faire un exercice mental (comme dans le yoga), de débouchage de projet. On ne sait jamais ce que ça peut donner. Pourquoi pas ?

Elle me trouvait une fâcheuse disposition d’esprit à un humour pathétique et me traita d’extrusion dialectique crypto-zoologiques dilatée. Elle se servit un verre de cognac de trente ans d’âge.

Déboucheur de projet (avant accident).

Coulis-coulis des Sargasses

J’avais l’impression de faire partie d’une expérience scientifique, dont le nom était embrouillamini.

J’apercevais des éléphants déguisés en infirmières, qui me disaient : « Mettez vos souvenirs désagréables sur une ardoise. Pour les faire disparaître, il suffit de passer une éponge.« 

Mes deux kinés préférées m’avaient pendu par les pouces et accrochaient à chacune mes jambes des poids de deux kilos. Elles m’assuraient que c’était pour assouplir les muscles de mes pouces.

Monsieur Moochagoo me disait : « Dans la vie il faut s’éloigner du fatras d’objets futiles. Collectionnez les étoiles à boutons. La poésie entrera dans votre quotidien. Et vos kinés ne sont pas aveugles à votre séduction. »

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« Alors, vous rêvez encore ! N’oubliez pas que nous sommes invités chez votre tante pour goûter vin qui a un arôme de coulis-coulis des Sargasses ! » Monsieur Moochagoo était pressé.

Ma tante était dans ses bons jours, et je ne fus pas traité de Cloporte Nodocéphale des Carpates. Elle nous a entretenu des « Entrelacs psalmiques dans la glose poétique« , car elle avait assisté à une conférence sur ce sujet.

Après le déjeuner où nous avions mangé du cassoulet , je buvais une décoction de thym de façon à réduire le risque d’avoir des flatulences intempestives. (Le lecteur aura raison de trouver ces précisions triviales).

En sortant, Monsieur Moochagoo m’a dit : « Parfois, on ne peut maîtriser le déroulement d’une journée..« 

Moi, après l’expérience scientifique.

Art mécanique

Dans, « Temps difficiles », Dickens nous rapporte les pensées d’un personnage : « Telle est la clef du mystère et de l’art mécanique qui permet d’éduquer la raison sans s’abaisser à cultiver les sentiments et l’affection : ne vous demandez jamais rien. »

Mon imagination désoeuvrée s’occupait à regarder les exercices intellectuels de kiné. Je laissais à l’art mécanique et à la raison le soin de répondre :

1/ 177 personnes sont présentes dans une salle de spectacle pouvant en contenir 223. Combien de places libres dans la salle ?

2/ J’ai deux douzaines d’oeufs. j’utilise six oeufs pour faire une omelette, et en cuisine, j’en casse deux.Le lendemain je cuisine deux oeufs sur le plat et un oeuf à la coque. Combien d’oeufs me reste-t-il ?

3/J’achète une enveloppe et un timbre. Je paye un euro et dix centimes le tout. Sachant que le timbre vaut un euro de plus que l’enveloppe, combien coûte le timbre et combien coûte l’enveloppe ?

NB : La réponse n’est pas un euro le timbre, et dix centimes l’enveloppe. Une bonne partie des étudiants du MIT ont échoué.

Le Zouave du Vatican – 37

Nous étions dans le secteur de Croissy, près du Parc Chanorier, dont le château était en ruine, comme le reste.

Protégé par les restes de deux chars AVARK90, l’Elfe (l’originale) et moi tirions sur nos adversaires de l’Alliance pour la Vraie Foi, avec nos fusils à linéament quantique. Les balles se concrétisaient sans passer à travers un mur (derrière lequel étaient nos adversaires.) La surprise pour eux était totale (et fatale).

Dieu soit loué – si je puis m’exprimer ainsi – les rigoristes religieux de l’Alliance avaient bloqué toute recherche scientifique, et leur retard technologique augmentait.

J’en profitais pour deviser avec l’Elfe. Notre précédente prestation « sentimentale » m’avait étourdi, au point que je métais perdu avant de la rejoindre au combat.

Je lui demandais : « As-tu déjà eu un chagrin d’amour ? »

Elle m’a répondu : « Non pas vraiment, je suis trop occupée par mes missions, pour avoir connu un chagrin d’amour. »

J’étais rassuré, il n’y avait pas eu de concurrents. C’étaient pour moi des « lointains néants », aussi « néants » que nos adversaires.

L’Elfe « copie conforme » que nous avions récupérée au Louvre, était occupée à couper en deux les deux cents chars AVARK90 stationnés dans les environs. Ils ne feront plus une « mayonnaise avec ketchup », de nos robots.

Le problème, avec cette Elfe, c’est que j’avais également des « sentiments » à son égard.. que je cachais soigneusement à mon Elfe préférée.

Et, deuxième problème, l’Elfe copie m’avait fait un clin d’oeil très appuyé avant notre départ. (GLARG !)

« ..l’Elfe copie m’avait fait un clin d’oeil très appuyé.. »

Rien

Ma tante : « Tu es si gonflé de ton importance que, si tu tombes du 8ème étage, tu rebondiras. »

Elle m’accuse d’être la personne la moins ouverte aux principes les plus élémentaires de la morale, d’être fasciné par le monde enchanté de la décadence. Mon Zouave du Vatican est pathétique, même s’il est accompagné d’une très belle elfe.

« Il ne faut pas considérer ton blog autrement que comme une distraction.« 

Un lecteur occasionnel m’a aussi reproché que mon blog, c’était de la littérature d’escalier de service.

Je précise que mes billets sont sans qualités et résistent à toute caractérisation esthétique. Impossible de les enfermer dans une case. Ils sont presque anonymes.

Ma voisine me considère comme quelqu’un « dans-la-Lunité ». Au bout d’un instant, j’avais compris que j’étais « dans la Lune » en permanence, ce qui est exact. En lisant certains billets, elle a ressenti des mauvaises vibrations qui prouvent que je suis un spécialiste de la futilité au fond de rien.

En quittant ma voisine, je jetais un coup d’oeil à la glace située dans le salon : Si je suis un spécialiste de la futilité au fond de rien, alors je ne ressemble à rien. Mais sur quoi puis-je me baser, pour savoir que je ne ressemble à rien ?

Comme disait Théophile Gautier : « Le sens de mon existence m’échappe complètement. » (Mademoiselle de Maupin).