Choses diverses

Testament de Shakespeare (ajout) :

« Je donne et lègue à chacun de mes camarades, John Hemingue, Richard Burbage et Henry Condell, vingt six shillings huit pence pour qu’ils s’achètent des bagues. »

En fait, les camarades – grâce à cet argent – pourront acheter des anneaux de deuil en mémoire du défunt.

Traduction :

Leandro Fernández de Moratín (1760 – 1828), a été le premier à traduire Hamlet en castillan. Il désapprouve les « grossièretés » qu’il découvre dans le texte.

Par exemple :

Hamlet :« Thats a fair thought to lie between the maid’s legs » (La jolie idée que de se mettre entre les jambes des filles!). Cette phrase est supprimée de la traduction car : « Le passage laissé en blanc est un de ceux dont la traduction pourrait offenser la modestie des lecteurs. »

Le Vulgaire :

Le Sieur de la Geneste (Paul Scarron probablement, 1610-1660), est le premier traducteur des « Visions de Quevedo », c’est à dire des « Sueños » (Songes) de l’espagnol Quevedo.

Il prend quelques libertés avec le texte et – par ajouts – règle ses comptes avec les livres imprimés, qui circulent aussi bien pour les esprits éclairés que pour le vulgaire.

« & particulièrement de ce que nous faisons si bon marché les livres traduits du grec et du latin, par les moyens desquels les ignorants savent aujourd’hui les choses qui faisaient estimer autrefois les savants hommes. »

« car à présent, un bélître de laquais ou un puant palefrenier, qui saura un peu lire, aura la hardiesse de manier un Virgile, un Homère, un Ovide, et les trainera dans les cuisines, comme si c’était des Quatre Fils d’Aymon, des Roberts le Diable ou des Espiègles (La vie de Till l’Espiègle). »

Source : Roger Chartier, « Editer et traduire ». Gallimard, 2021.

Autel Privilégié

Autel secondaire visible dans l’église St Augustin à Paris

« Autel auquel sont attachées par une autorité religieuse, généralement le Saint-Siège, des indulgences particulières en faveur des âmes des défunts pour lesquels on dit la messe. Le privilège est perpétuel ou temporaire, quotidien ou non.

L’autel porte généralement une inscription du type « Autel privilégié » ou « Altare privilegiatum quotidianum perpetuum » ou encore « Altare privilegiatum pro defunctis », etc. »

NB : La notion d’autel privilégié a été abolie par le Pape Paul VI le 1er janvier 1967.

Source : In Situ, Revue des Patrimoines (2001) : « L’autel : fonctions, formes et éléments », par Joël Perrin.

Choses diverses

L’Abbé Batteux, dans « Le Cours des Belles Lettres distribué par exercices » (1747) : « Le bon goût est le goût du bon. »

Bibliothèque Bleue :

Vers 1650, les livres de La Bibliothèque Bleue sont vendus par des colporteurs. Ce sont des « almanachs, des livrets de piété, des récits extraordinaires, des romans « simplifiés ». »

Les personnes à qui sont destinés ces livres sont en grande majorité illettrées. Ceux qui avaient de l’instruction leur lisaient les livres à haute voix.

L’Abbé d’Aubignac défend une conception de la littérature au service des puissants : « Il faut enseigner les choses qui maintiennent la société publique, qui servent à retenir les peuples dans leur devoir, et qui montrent tous les jours les souverains comme des objets de vénération, environnés des vertus comme de la gloire et soutenus de la main de Dieu. » (Quatrième dissertation, 1664).

Corneille dans « Œdipe » (1659), n’avait pas voulu montrer Œdipe se crevant les yeux, car, « ce geste ferait soulever la délicatesse de nos dames qui composent la plus belle partie de notre auditoire, et dont le dégoût attire aisément la censure de ceux qui les accompagnent. »

Source : Alain Viala, Naissance de l’écrivain (Minuit, 1985).

Jean Marais : Oedipe vieux, les yeux crevés, dans « La machine infernale » de Cocteau

Trous dans le gruyère

Ma tante trouvait que j’étais en proie à des turbulences d’angoisse et que j’avais arrêté mon coeur sans raison valable.

Je lui dis que mon coeur battait encore, et que son affirmation était un faux semblant bourré de vitamines (je me comprends).

Ma voisine m’avait affirmé ce matin que, « la vie ressemble à un gruyère dont il faut boucher les trous. » Un musique suave sortait de son appartement. Cette phrase m’avait troublé bizarrement.

J’avais demandé à mon moi Sherlock Holmes, qui s’était jeté aussitôt sur cette phrase, afin d’en faire une analyse herméneutique sous verre, l’immunité pour la suite des événements.

J’ai depuis longtemps abandonné toute tentative de comprendre les investigations de mon moi Sherlock Holmes. Au moment fatidique de la divulgation, je choisis de tout oublier.

Mon ami pensait que la valeur dramatique de la phrase de ma voisine était indubitable. Si on ne bouche pas les trous de sa vie, celle-ci, d’année en année, tend vers zéro.

Il me conseilla de lire l’Abbé de la Motte de Bouchetrous : « La connaissance sçavante des trous dans le gruyère. » (vers 1656).

Eugène Reichlen, Fabrication du fromage, dessin d’après un vitrail du XVIIes. Musée gruérie

Les Autheurs

L’Académie Française fut fondée en 1634. A cette époque il existait des dizaines d’académies privées. L’Académie Française fut d’ailleurs fondée à partir d’une académie privée.

Certaines académies étaient composées en général d’une dizaine de gentilshommes amateurs de littérature, de philologie, d’art, etc.

Certaines avaient des noms exotiques comme : « L’Académie du bel esprit et de la galanterie » (Arles), ou « l’Académie Putéane » de Pierre Du Puy, dit Petrus Puteanus.

Elles servaient – à une époque où les gazettes débutaient à peine – à diffuser l’information et à former les jeunes lettrés.

On se moquait déjà des académiciens dans des comédies, où ils discutaient de l’usage de « or » ou « car » au nom du « bel usage ».

Les gentilshommes lettrés tentaient d’attirer la protection des grands qui avaient un clientèle ou jouaient les mécènes.

Jean Chapelain (1595-1674), écrivit une ode à Richelieu : « Tes célestes vertus, tes bienfaits prodigieux / Font revoir en nos jours pour le bien de la France / La force des héros et la bonté des dieux. »

Ces louanges hyperboliques étaient courantes, mais les « autheurs » attendaient en échange une gratification qui leur permettrait de vivre décemment.

Les « autheurs » qui avaient une fortune personnelle affichaient un dédain pour le travail payé. Ils refusaient de toucher des « droits d’auteur » (ce qui ressemblait à des droits d’auteur commençait à être pris en compte).

La Bruyère avait laissé ses « droits d’auteur » à son libraire, pour qu’il dote sa fille.

Boileau s’indignait : « Mais je ne puis souffrir ces Autheurs renommez / Qui dégoutez de gloire et d’argent affamez / Mettent leur Apollon aux gages d’un libraire / Et font d’un art divin un métier mercenaire. »

A l’inverse, Jean Racine avait abandonné la poésie (art majeur), pour le théâtre, beaucoup plus rentable. Nous devons des pièces sublimes à un hasard mercantile.

Source : Alain Viala, « Naissance de l’écrivain ». Ed. Minuit, 1985.

Etablissement de l’Académie Française

« Il y avait plusieurs moutonsse » (*)

L’autre jour je regardais les moutons du Parc de Sceaux en train de paître dans la moitié du Bosquet Nord, renommé pour ses cerisiers en fleurs au printemps.

Ils sont une dizaine occupés à quatre activités de moutons de la plus haute importance.

1 – Se gratouiller contre les cerisiers. Le gratouillon est la principale activité.

2 – Dormir ou sommeiller après le long travail de rumination. Le mouton noir dort à l’écart des autres.

3 – Ruminer grâce à des allers-retours entre la bouche et une partie des quatre estomacs : la panse, le réseau, le feuillet, la caillette.

4 – Vagabonder à la recherche de la meilleure herbe.

Un mouton s’était approché. J’ai cru un instant qu’il allait se mettre à me parler, mais il a seulement dit : « Bêêê ! »

Quelle déception !

(*) Topaze de Marcel Pagnol.

Parc de Sceaux, bosquet Nord.

Choses diverses

Madame de Tencin (1682-1749), disait à Fontenelle (1657-1757) : « Ce n’est pas un coeur que vous avez là, c’est de la cervelle ! »

Alain Badiou, philosophe, (in « L’Etre et l’événement ») : « Que ce soit au lieu de ce non-être que Cantor ponctue l’absolu, ou Dieu, permet d’isoler la décision où s’enracinent les « ontologies » de la Présence, les « ontologies » non-mathématiciennes : la décision de prononcer qu’au delà du multiple, fut-ce dans la métaphore de sa grandeur inconsistante, l’un est. (etc, etc..comprenne qui pourra).

Syllogisme par amalgame : « Savais-tu que Cyrus était ton frère ? Six russes, c’est six slaves, si s’lave, c’est ce qui s’nettoie, si ce n’est toi c’est donc ton frère. »

Blague potache : « Pourquoi les slaves habitent des grandes maisons ? Pour que les petits slaves l’habitent ! »

François Laruelle (1937-), philosophe, propose « une modélisation fractale de la philosophie, » par référence à Benoit Mandelbrot (1924-2010), mathématicien, qui a découvert les fractales, nouvelle classe d’objets mathématiques. (Comprenne qui pourra, bis).

Humeur enfoncée

“Remarquez cette sorte de mal fort nuisible. C’est l’inclination ou la passion qu’on a sur chaque rencontre différente, proprement ce qu’on appelle humeur, qui fait qu’on est quelquefois triste, quelquefois gaie sans aucun sujet; qu’on est quelquefois si facile à parler en toutes occasions qu’on paraît toute dissipée; d’autres fois, au contraire, dans une humeur enfoncée, qui fait qu’on a peine à dire les choses nécessaires.

Ne vous laissez point dominer par ces humeurs différentes ! Demandez la grâce de surmonter votre délicatesse, votre amour-propre et la répugnance que vous avez pour ce qui vous mortifie, car tout cela vous empêchent de goûter le souverain bien de la vie présente, c’est-à-dire la paix du cœur qui naît de la tranquillité de la bonne conscience et de la présence de Dieu en l’âme.”

(Agnès Arnauld, ‘L’image d’une religieuse parfaite et d’une imparfaite’, Paris, 1666).

Il fallait mieux s’en remettre à Dieu plutôt qu’aux médecins de l’époque, prompts à achever le patient.

NB : Pour les jansénistes, dont Agnès Arnaud est une des plus dignes représentantes : « Dieu seul détermine celui qui sera sauvé ou non, en lui accordant ou non la grâce. »  

Portrait de la mère Angélique Arnaud et de sa sœur la mère Agnès Arnauld (1593-1671)