Moi secret

Lors d’un interview , Emmanuelle Devos a révélé que le théâtre lui avait permis d’ouvrir des portes vers son moi secret, « dont vous ignorez vous-même l’existence. » *

In petto j’allais à la recherche de mon moi secret, afin de vérifier son existence. Comme je suis incapable d’interpréter un personnage au théâtre – ayant une faible mémoire depuis toujours – il me fallait ruser pour entrer en contact.

Mon ami me conseilla de plonger dans mes pensées au moyen de chaises pliantes (imaginaires).

J’étais sceptique. Mais, malgré le côté absurde et invraisemblable de l’expérience, j’accédais à un porte mentale où se trouvait mon moi secret.

Il a très mauvais caractère et me prévint que, puisqu’il était un moi secret, son existence était aussi un secret. J’avais à passer mon chemin.

Il me cita Horace : « Odi profanum vulgus et arceo » (Je déteste la foule profane et m’en écarte.)

Je lui fis remarquer que je n’étais pas la foule profane et qu’il aurait du, en rencontrant son vrai moi (dont il n’est qu’un avatar), éprouver « un torrent de pure joie », comme Julie dans la Nouvelle Heloise.

Il me dit préférer la solitude des cimes, refuge de l’élite.

Bon, je lui ai dis que je repasserai.

* Le Monde 27/28 mars 2022.

Caspar David Friedrich : L’homme contemplant une mer de brume (Der Wanderer über dem Nebelmeer).

Choses diverses

Source : Edmond et Jules de Goncourt : « Journal » (folio classique, 2021)

Dans un diner où il y a des gélinottes (oiseaux des bois), Daudet compare leur « chaire parfumée à de la chaire de vieille courtisane marinée dans un bidet. »

Dîner chez Victor Hugo : Gibelotte de lapin, puis rosbif et enfin poulet rôti. D’après Edmond, c’est « un diner donné par un curé de village à son évêque. »

Victor Hugo, chaque matin lors de ses ablutions, se verse lentement sur la nuque « quelques carafes d’eau glacée.« 

« Victor Hugo est le type de sexagénaire attaqué de priapisme aigu ». Tous les soirs, à la maison Meurice l’attendaient « une, deux ou trois femmes..des plus illustres jusqu’aux bas les plus crottés. »

Edmond a lu « Les Travailleurs de la Mer ». « Hugo romancier me fait l’effet d’un géant qui donnerait une représentation au théâtre de Guignol, à travers lequel il passerait alternativement le bras et la tête. »

Sur la famille de la fiancée, au mariage de son cousin Alphonse de Courmont : « Une famille de Polichinelles avortés, gâteux, batards…La fiancée regardait l’avenir de sa vie comme une vache qui regarde passer un chemin de fer. »

Edmond de Goncourt par Felix Bracquemont

Choses diverses de la Bible

Adam et Eve

Génèse 2-16,17 : « Tu peux manger librement de tous les arbres du jardin, mais ne mange pas de l’arbre de l’expérience du bon ou du mauvais. »

Tohu Wabohu

Génèse : 1-1,2 : Tohu Wabohu est le désordre ou le chaos qui précède la création.

Fin du végétarisme

Génèse : 9, 3 : (Après le Déluge), « Tout ce qui se meut et qui a vie vous servira de nourriture: je vous donne tout cela comme l’herbe verte. »

Liberté

Juges 21,25 : « En ce temps là, il n’y avait pas de roi en Israël, chacun faisait ce qui lui semblait bon. »

David

Il a eu plusieurs enfants nés de femmes différentes, dont quatre fils : Amnon, Absalom, Adonias et Salomon. Pour obtenir le pouvoir, Amnon tue Absalon et est tué à son tour. Et Salomon arrivé au pouvoir, tue Adonias.

Salomon

On lui reproche de fréquenter trop de femmes étrangères et d’avoir fait construire des sanctuaires pour d’autres dieux que Yhwh.

Qohélet

Qohélet est un livre subversif et critique à l’égard de la compréhension des décisions de Dieu. 3.20  : « Tout va dans un même lieu; tout a été fait de la poussière, et tout retourne à la poussière. »

Source : Thomas Römer et Frédéric Boyer : « Une Bible peut en cacher une autre. » Bayard, 2021.

Par Lucas Cranach.

Conseil de lecture : Les Affinités Electives de Goethe

Avant même de commencer à lire Les Affinités Electives (1809), de Goethe, le lecteur s’équipera, comme pour Les Souffrances du jeune Werther (1774), d’une boîte de mouchoirs en papier.

Edouard et Charlotte sont un couple d’aristocrates. Ils ont un grand domaine qu’ils veulent arranger au dernier goût romantique avec des chemins et des abris qui permettent d’admirer les paysages où se mêlent forêts, prairies et lacs, ou qui permettent de « se reposer comme Philémon avec sa Baucis sous les tilleuls antiques. »

Chacun a un projet. Edouard veut faire venir un ami, alors inoccupé, « le capitaine, » qui dessinera les plans de la propriété et les aidera à tracer des chemins dans le style anglais, tandis que Charlotte veut faire venir sa nièce Odile, en pension avec sa fille Lucienne (d’un premier mariage), qui végète et n’apprend rien.

Mais le capitaine s’éprendra de Charlotte et Edouard tombera amoureux fou d’Odile. Edouard et Charlotte, se laisseraient facilement convaincre d’opérer un chassé-croisé. (Goethe fut critiqué pour ce double adultère qui choqua le public.)

La bonne société allemande à cette époque, ne croit plus du tout aux vertus du mariage – ils ont fortement diminués. (Goethe se marie à 57 ans en 1806).

Lors des repas officiels tous parlent en français – qui est la langue véhiculaire de l’élite européenne – pour ne pas être compris des laquais, lorsqu’ils évoquent des sujets scabreux.

En intermède, Lucienne, la fille de Charlotte, sort de sa pension et, avec un fiancé très fortuné, organise sur le domaine des fêtes ininterrompues, puis se lasse et part avec sa suite vers d’autres châteaux. Odile, réservée, mise à l’écart des fêtes, retrouve sa sérénité.

Apprenant que Charlotte est enceinte après une nuit d’amour, où chacun a imaginé être dans les bras de l’autre être aimé, Edouard décide d’aller combattre dans l’armée. Le capitaine partira également pour assumer des fonctions officielles prometteuses.

Odile reste auprès de Charlotte et s’occupera de l’enfant après sa naissance, laissant Charlotte occuper son rang, auprès de la bonne société.

Goethe croit en de mystérieuses correspondances chimiques et moléculaires entre ceux qui s’aiment. C’est pourquoi l’enfant a les yeux d’Odile et ressemble au capitaine (qui, précisons-le, n’a pas couché avec Charlotte ; mais les mauvaises langues des environs pensent le contraire.)

Hélas, comme dans le poème « Le Roi des Aulnes » (1782), la tragédie s’annonce. Au cours d’une promenade en barque, Odile qui est en retard pour ramener l’enfant, fait une fausse manœuvre et provoque la noyade de l’enfant.

Au même moment Edouard est de retour pour reconquérir le coeur d’Odile. Celle-ci – on le comprend – ne se remet pas de la mort de l’enfant et, malgré tous les efforts de son entourage, mourra de consomption.

Edouard meurt brusquement peu après, en regardant de menus objets ayant appartenus à Odile (de tristesse ?). Il repose auprès d’Odile dans le caveau de famille.

Source : Les Affinités Electives , préface de Michel Tournier (folio).

Odile et l’enfant mort.
Le Roi des Aulnes, (détail par Carl Gottlieb Peschel, 1840).

Rappeur de fromage

Ma tante m’entretenait de la soutane des prêtres qui, autrefois, était un rappel de la condition ecclésiastique. On a eu un différent immédiat sur la soutane des prêtres traditionalistes actuels.

Je me suis fait traiter de « bricoleur de pastorale humaniste. »

Je changeais de sujet : En Grèce antique le corps des statues masculine tendait à la nudité alors que les statues féminines étaient habillées.

La nudité masculine était un signe de divinité ou d’héroïsme.

Le nu féminin commence avec Praxitèle (385-326 av JC), et sera réservé presque toujours à Aphrodite, déesse grecque de l’amour.

Ma tante ricana : « Autrefois on disait qu’on avait fait la Grèce, je vois que tu l’as fait aussi. Es-tu atteint de Pleonexia culturelle, à la recherche de reconnaissance ? » (Regard : « things eventually will end badly. »)

Elle me conseilla de m’orienter vers le métier de rappeur de fromage qui, au moins, n’indispose personne.

Je me consolais avec Pascal qui parlait de « travailler pour l’incertain. »

* Pleonexia : le désir d’avoir toujours plus.

Statue d’Hermès de Praxitèle
Eirene (la Paix) portant Ploutos. Copie romaine d’une statue de 370 av JC.