Rillettes au Munster

Monsieur Moochagoo mangeait un sandwich rillettes-Munster. Et il lisait un rapport sur les mesures envisagées pour la protection des piétons en Moldavie (!)

Reposant le rapport, il me confia qu’il tricotait une grande chaussette de Noël – dotée de pouvoirs magiques – qui exaucerait les voeux de cadeaux les plus improbables.

Monsieur moochagoo avait lu une phrase de Voltaire : «J’ai décidé d’être heureux, parce que c’est bon pour la santé,» et avait décidé de suivre cet avis – en tricotant – pour combattre sa tendance à la mélancolie.

Je lui demandais s’il avait pensé à demander à sa chaussette de Noël magique, de soigner sa mélancolie.

Il me traita de croquemitaine à éclipse, et me regarda comme si j’étais le cancre au fond de la classe qui farfouille au fond de son nez.

Pendant un moment je crus distinguer un halo méphitique autour de la tête de Monsieur Moochagoo, tandis qu’une migraine prenait possession de mon crâne.

J’ai demandé son avis à ma voisine. Elle m’a conseillé de prendre un bain de chakras.

Théologie de l’escalier

Monsieur Moochagoo avait une chemise hawaïenne avec des motifs de fleurs rouges. Il me confia : « Le futur me manque. »

Je pensais – comme Edith Piaf – devant ces propos énigmatiques, qu’il y a des silences qui en disent long, comme il y a des paroles qui ne signifient rien.

Il me proposa de gouter à sa soupe de queue de boeuf, et me dit : « Avez-vous conscience du drame de ces gens qui regardent la télévision toute la journée, et le soir, lisent des romans mièvres ou à l’eau de rose ? »

Je répondis (en goutant la soupe), que cela valait mieux que de regarder toute la journée un aquarium avec des plantes aquatiques, des faux rochers zen, un galion en plastique et des poissons exotiques.

Il me regarda froidement : « Vous devriez vous occuper de théologie de l’escalier, où une âme athée se libère grâce à une pensée silencieuse . » 

Les ascenseurs qui menaient à mon Moi Compréhensif se mirent en panne. Ma logique et mes neurones encore fonctionnels, me disaient cependant qu’on pouvait épiloguer sur les propos de Monsieur Moochagoo.

Fasse le ciel que les lectrices et les lecteurs trouvent à ce billet quelque intérêt !

Messages

« Les Allemands étaient chez moi / Ils me dirent, « Signe toi, » / Mais je n’ai pas peur ; / J’ai repris mon arme / J’ai changé cent fois de nom / J’ai perdu femme et enfants / Mais j’ai tant d’amis…« 

J’écoutais cette chanson – tellement triste – de Léonard Cohen (1968), et je pleurais à gros bouillons (snorg, snif, je me mouchais bruyamment). C’est idiot de pleurer ainsi.

Monsieur Moochagoo me dit pour me consoler : « La malédiction des sorcières n’affecte pas l’acteur qui joue MacBeth. »

Bon, c’est l’intention qui compte, mais je n’ai pas compris.

Il commençait une étude sur les messages – sous forme d’ondes mentales lumineuses – en provenance de soucoupes volantes – qui atteignent nos têtes pour entrer dans nos esprits.

Je respirais un bon coup, et fis appel à mon mantra stoïcien : « Je lâche prise sur ce que je ne peux pas contrôler. »

Je lui conseillais de retourner à ses réunions, « Prières et Tricot, » qui lui avaient si bien réussi.

Il m’a traité de Glomérule Olfactif et Phosphorescent.

Télépathie

Ce matin Monsieur Moochagoo avait une chemise avec des motifs de flamands roses et de lotus bleus. Quand c’est trop beau, on ne peut faire rien d’autre que d’applaudir (discrètement).

Je chantais : « Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés / La belle que voilà, ira les ramasser / Entrez dans la danse, voyez comme on danse..« 

Sans protester du fait que je chante (presque) faux, et sur un ton aimable, Monsieur Moochagoo, me raconta un tas d’anecdotes sans intérêt. Je fus surpris.

Au bout d’un moment, il me dit qu’il réfléchissait à la télépathie : « Lorsque je peux lire les pensées d’une autre personne, et si celle-ci, à ce moment-là, lit dans mes pensées, elle voit alors ses propres pensées dans ma pensée. »

 J’en profitais pour exercer mon rire du dedans par derrière. On ne l’exerce jamais assez

Monsieur Moochagoo eut un regard contourné à 360° (le pire).

Ma tante m’a conseillé de ne pas noyer mon oisiveté dans des billets qui ne sont qu’un jeu de phrases idiotes

L’Âme

« Il vaut mieux être très attentif que treize à table. » Ma voisine aimait bien cette blague. Cela me changeait des propos hermétiques de Monsieur Moochagoo.

Nous avions eu une discussion serrée à propos de l’âme, et je lui avais rapporté le propos d’Albert Camus : « Seuls les fusils ont des âmes. » J’avais ajouté que tenter de voir l’âme, c’était un peu comme la regarder à travers la projection dune lanterne magique.

Il ne faut pas se préoccuper d’un mot, qui n’est qu’à l’intérieur de nous.

Elle ne me parut pas convaincue par ma fine argumentation. Je fus accusé d’être la personne la moins ouverte aux principes les plus élémentaires de la religion.

Je citais Maurice Sachs : « Parfois, je me regarde dans la glace, et je vois, à mes yeux, que mon âme est de sortie, que je lui déplaisais trop, qu’elle est allée respirer l’air frais. » 

Lanterne magique

Âme revenante

Idées

Je jouais jouer au tric-trac avec ma voisine, en fredonnant une romance de Wakefield Oliver Goldsmith (1766) :

« Quand une jolie femme s’abaisse à faire des folies / Et découvre trop tard que les hommes peuvent mentir / Quel charme pourra adoucir sa tristesse / Quel art pourra évacuer sa faute ? »

Tout allait pour le mieux – ma voisine ne critiquait pas mes qualités de chanteur, elle était concentrée sur le jeu – lorsque Monsieur Moochagoo vint me parler de son dernier projet, « d’un intérêt unique ! » : Le développement des idées.

« Comment capturer sur un support instantanée l’idée qu’on porte en soi, et puis tenter de la décrire avec exactitude ?« 

Malgré l’obscurité des propos de Monsieur Moochagoo, je décidais d’avoir une oreille attentive, et je lui dis que, « peut-être votre idée n’est-elle pas assez visible, pour laisser une trace remarquable ? » 

J’eus droit à un regard très sec. Je n’insistais pas.

Ma voisine m’a dit en aparté : « Alors là, ça va loin ! Je suis sûre que c’est un jeu avec des énigmes! » Et elle a regretté que je n’ai pas fredonné : « Je lui fais « Pouet-Pouet »! ell’ me fait « Pouet-Pouet »! On se fait « Pouet-Pouet! » *

* Chanson chantée par George Milton et Bourvil.

Auteur inconnu

Cornichon sans rien dans le tête

« Il nait plus d’une fleur qui rougit loin des yeux / Parfumant vainement le souffle du désert. »

J’étais en train de lire un poème de Thomas Gray, (Elégie écrite dans un cimetière de campagne, 1751), pour me remoter le moral.

Il n’y a rien de tel que les cimetières de la campagne anglaise pour se remonter le moral – lorsque je reçus un message de ma tante.

Elle critiquait ma forfanterie, l’indigence de mes billets, dont la seule qualité est de donner de l’attrait à la médiocrité. Elle concluait par cette apostrophe : « Cornichon sans rien dans le tête. »

Je lui répondis : « Je te suis très obligé de l’amicale sollicitude que tu me témoigne. »

Ma voisine m’a fait cette remarque : « Ah oui, mais on ne fait pas d’omelette sans que la caravane passe. » (Un aphorisme que je n’ai pas entièrement compris.)

Je me rappelais de cette phrase de Haruki Murakami : « Écrire un roman [ou un billet], c’est comme aller au fond d’un deuxième sous-sol très sombre, dont vous ne connaissez pas l’issue.. »

Bon, je suis rassuré.

Idées en l’air

J’écoutais Johann Baptist Cramer, 1771-1858, (Piano Concerto No. 5 in C Minor, Op. 48), un auteur fort méconnu, lorsque soudain je vis passer une idée en l’air.

Avec les idées en l’air, il ne faut pas hésiter à les attraper, pour voir ce qu’elles ont derrière la tête, (si je puis m’exprimer ainsi).

La dernière idée à laquelle j’avais été confronté, avait été attrapée par Monsieur Moochagoo. C’était l’idée d’une machine à prédire le nombre exact de mots dans mes billets.

Cela avait suscité chez moi espoir et curiosité. Hélas, la machine s’était toujours trompée dans ses prédictions.

Il avait aussi eu l’idée d’un chat fluorescent qui clignotait la nuit. Hélas encore, les chats ne survivaient pas longtemps. Quelle mésaventure !

Parfois je me dis que Monsieur Moochagoo est juste un personnage de mes billets.

L’amour vache

Je lisais un poème de John Gay (1685-1732), sur les amours d’un taureau : « L’amour m’appelle, une de mes vaches préférées, / M’attend auprès de cette meule orange / Et, quand en l’espèce il s’agit d’une dame / Vous le savez, plus rien ne compte. »

Un poème immortel, le lecteur en conviendra.

Ma tante va me soutenir qu’elle préfère encore lire ce genre de poème plutôt que mes billets, et qu’elle ne se fait guère d’illusions sur mes talents d’écrivains. J’aurais « gagné beaucoup à être traduit », (selon la remarque de Gide).

Mes billets provoqueraient un ennui auquel nul ne peut échapper, et ne sont frappés – « c’est le moins qu’on puisse dire » – d’aucun trait remarquable ou ingénieux

Elle préfèrerait que je m’oriente vers des informations banales ou des commérages innocents, et que je laisse tomber mes fariboles..

Avec ma tante je me sens comme un poisson rouge dans un verre à dents..

Monsieur Moochagoo me rassura : « Un billet ne contient pas à l’avance l’intégralité de son texte. Votre responsabilité n’est pas engagée.«