Boileau (1636-1711)

Le 19 mai 1687, Nicolas Boileau écrit à Jean Racine à propos d’une extinction de voix :

« Je voudrais bien pouvoir vous mander que ma voix est revenue, mais la vérité est qu’elle est au même état que vous l’avez laissée et qu’elle n’est haussée, ni baissée d’un ton. Rien ne la peut faire revenir ; mon ânesse y a perdu son latin, aussi bien que tous les médecins.

La différence qu’il y a entre eux et elle, c’est que son lait m’a engraissé et que leurs remèdes me dessèchent. Ainsi, mon cher Monsieur, me voilà aussi muet et aussi chagrin que jamais. J’aurais bon besoin de votre vertu et surtout de votre vertu chrétienne, pour me consoler.

Mais je n’ai pas été élevé, comme vous, dans le sanctuaire de la piété ; et, à mon avis, une vertu ordinaire ne saurait que blanchir contre un aussi juste sujet de s’affliger que le mien. Il me faut de la grâce, et de la grâce augustinienne la plus efficace, pour m’empêcher de me désespérer ; car je doute que la grâce molinienne la plus ‘suffisante’ suffise pour me soutenir dans l’abattement où je suis.

Vous ne sauriez imaginer à quel excès va cet abattement, et quel mépris il m’inspire pour toutes les choses de la terre, sans néanmoins (ce qui est de fâcheux) m’inspirer un assez grand goût des choses du ciel… »

NB : En parlant du « sanctuaire de la piété » et de la grâce, Boileau fait référence aux Jansénistes qui ont formé Racine. Il ne les nomme pas, car les Jansénistes sont alors considérés comme la peste par Louis XIV. Ils seront dispersés en 1709.

Portrait de Nicolas Boileau, par Jean-Baptiste Santerre, 1678.

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